Happening Réjean Ducharme
17 septembre 2016
Église de St-Ignace-de-Loyola


Et ma tête est dans la vie. Je suis englobante et englobée. Je suis l'avalée de l'avalé.

Que je suis avalée. Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs. Il n'y a pas assez d'air tout à coup, mon coeur se serre, la peur me saisit.

On regarde. On regarde. Quand on veut savoir où on est, on se ferme les yeux.

Mon orme se dresse au milieu de notre grande île. Son écorce tombe en lambeaux. Quand il vente, ses grandes branches sèches claquent, on dirait qu'il est plein de squelettes. L"orme c'est mon navire. Ici c'est une île. C'est un long drakkar ancré à fleur d'eau sur le bord du grand fleuve. C'est un grand bateau dont le mat unique est un orme mort.

qu'on joue avec moi comme avec une chose. On regrette toujours pour rien. Ma solitude est mon palais. Il n'y a de vrai que ce que je crois vrai.

la lumière et les ombres tremblent.

le visage dans les feuilles des peupliers, d'un peuplier à l'autre. Le marais c'est le plancher du ciel. Les peupliers c'est le bal, ce sont les danseuses du ciel. Les peupliers ont des pattes, comme les êtres humains. Comme les femmes, ils portent une jupe.

entre les branches d'un arbre, le ciel est plein de feuilles et on dirait que c,est dans le ciel que les arbres poussent.

le fleuve monte, grossit. Les nuages se mettent à courir. Il vente, par bourrasques. Ça fait tinter les feuilles, on dirait une pluie de sous.

ne nous aiment pas. Aussitôt qu'ils nous voient, ils se sauvent.

Vingt trois fourmis. Trois bousiers. Un chat. J'ai cru qu'elle sortait de la main d'un orfèvre et que l'orfèvre l'avait épinglé à ce pétale comme on met un diamant au doigt.